Ces incroyables Français : Pauline Roux "Paulette", le pH parfait
30 ans, vigneronne et entrepreneuse, Pauline Roux préfère qu’on l’appelle Paulette - un nom de scène à son image - naturelle, authentique et pétillante. Paulette, c’est avant tout une énergie débordante et particulièrement contagieuse. Un savant mélange de sud de France, de souvenirs de voyages, de terre minérale du Swartland teinté d’une belle dose de créativité. On vous la présente ?
Paulette s’est installée au Cap en 2015. Œnologue et vigneronne de profession, c’est une amoureuse de la terre et de toutes ses merveilles. Elle produit depuis trois ans le "Bosberaad", un Chenin Blanc mettant à l’honneur toutes les subtilités du Swartland, région au nord du Cap très appréciée des professionnels du vin pour son climat aux multiples facettes et ses sols de granit. Ces derniers mois, Paulette s’est également lancée dans la production inédite de "Vino pH", un Palomino sud-africain qui ravit déjà les palais les plus experts du Cap. Ces deux vins sont issus de l’agriculture biologique et représentent parfaitement la personnalité de Paulette, tout en équilibre et en harmonie avec la nature.
Si le parcours professionnel de Paulette a pris un tournant particulier en Afrique du Sud, ce n’est pourtant pas là que son histoire avec le vin a commencé. Issue d’une famille épicurienne, Paulette a en effet grandi bercée par l’amour du terroir et des plaisirs de la table, notamment chez ses grands-parents bretons.
« Quand j’étais petite, mes parents travaillaient énormément, et j’étais très souvent chez mes grands-parents. Ils avaient une maison de campagne avec un énorme jardin, des poules, tout ce dont un enfant peut rêver. Mon grand-père est quelqu’un qui a toujours aimé la terre, et il m’a appris à jardiner de manière biologique, en respectant les processus de la nature. C’est quelque chose qui a contribué à développer mon amour pour les plantes, et qui est resté ancré en moi au fil des années. »
A six ans, Paulette déménage avec sa mère et sa sœur dans le sud de la France, plus précisément dans la petite commune de Marseillan. C’est dans cette région héraultaise à la forte tradition viticole que Pauline découvre peu à peu cet univers si particulier, au rythme des floraisons, des vendanges et des tracteurs de la cave coopérative.
Quelques années plus tard, son bac scientifique en poche, Paulette entame des études de chimie - toutefois sans grande conviction. A l’occasion d’un stage dans la société Robertet à Grasse, elle est amenée à travailler sur un projet de “boîte à odeurs” consacrée aux vins, et réalise que c’est le secteur vers lequel elle souhaite s’orienter. Alliant à la fois la chimie, le travail de la terre et les plaisirs de la table, l’industrie du vin apparaît comme une évidence. Forte de ce constat, Paulette décide alors de poursuivre ses études dans cette voie : elle obtient une licence des métiers de la vigne et du vin à Reims et un diplôme national d’œnologue à Montpellier, en partenariat avec l’Université d’Agronomie. En parallèle, elle travaille en cave coopérative et développe sa connaissance technique du métier.
Une fois ses études terminées, Paulette n’a qu’une seule envie : voyager. Les destinations viticoles étant nombreuses à travers le monde, elle alterne ainsi des périodes de vendanges aux quatre coins du globe pendant plus de quatre ans, en passant par l’Australie, la Nouvelle Zélande, l’Italie ou encore l’Oregon aux États-Unis. Cette période marquante vient ancrer sa maîtrise du vin et contribuera sans aucun doute à forger sa personnalité d’aventurière et d’entrepreneuse. C’est d’ailleurs à l’occasion d’un séjour en Australie que Paulette rencontre des vignerons sud-africains et entend parler pour la première fois des vins de la région du Swartland. Dans les années 2012/2013, ces vins commencent en effet à se faire connaître grâce à un groupe de jeunes vignerons passionnés, reconnus pour leur philosophie unique et leur respect de la nature. Il n’en faut pas plus à Paulette qui, armée de son seul sac à dos, décide de s’envoler pour l’Afrique du Sud…
Si l’essentiel des vins sud-africains est issu des régions de Constantia, Stellenbosch, Paarl ou encore Franschoek, la région du Swartland est en effet considérée comme le nouvel eldorado des vignerons sud-africains. Autrefois utilisées pour produire de grosses quantités de raisin à destination des caves coopératives locales, les vignes du Swartland ont souvent plus de soixante-dix ans d’âge et les cépages traditionnels comme le Syrah, le Mourvèdre ou le Viognier y sont restés intacts. En 1997, un vigneron sud-africain du nom d’Eben Sadie s’installe dans la région, intéressé par ses sols lui rappelant les meilleurs terroirs d’Europe. Il est rapidement rejoint par d’autres professionnels qui, réunis au sein des « Producteurs indépendants du Swartland », ont su redonner à cette région tous les moyens de sa réussite. Très variés et acclamés par la critique, les vins du Swartland misent avant tout sur la qualité de leur composition aussi naturelle que possible, à contre-courant des méthodes productivistes des grands domaines du Cap. Le pionnier Eben Sadie a d’ailleurs été sacré vigneron sud-africain de l’année en 2015.
Arrivée au Cap cette même année, Paulette s’installe donc dans le Swartland et commence à travailler au domaine Lammershoek, en face des vignobles d’Eben Sadie. Elle y restera pendant quatre années formatrices et y développera de nombreuses connaissances en marketing, vente et logistique de l’industrie qui manquaient à sa formation. Le bourgeon semble prêt à éclore…
C’est finalement en 2017 que Paulette démarre son parcours d’entreprenariat, sans réellement en avoir conscience. Avec son compagnon de l’époque, également vigneron, elle décide d’acheter quelques palettes de raisin à un vignoble voisin et de faire son propre vin. S’amuser et expérimenter, voilà l’idée de départ. Les évènements prennent pourtant un tournant inattendu : les retours de leurs proches sont tellement positifs que l’année suivante, en 2018, la première cuvée de Bosberaad est commercialisée et l’entreprise Paulus Wine Co voit le jour.
Ce premier vin a une symbolique tout à fait particulière pour Paulette, et le nom Bosberaad fait écho à sa spiritualité et à son amour des éléments.
« C’est un nom un peu philosophique, qui signifie « meeting in the bush » en Afrikaans. A l’époque, les fermiers se réunissaient dans le bush, autour d’un feu, pour parler des affaires politiques et de la vie de la communauté. L’idée de Bosberaad c’est cette rencontre entre les gens et les éléments autour du terroir, pour faire un vin. L’étiquette représente tout cela. Il y a le personnage qui parle, pour représenter l’échange ; le Nombre d’Or, qui est la base de toute chose dans la science ; la lune, avec laquelle je travaille énormément ; le soleil, qui représente le terroir… »
Le Bosberaad rencontre rapidement un franc succès auprès du public sud-africain mais aussi à l’étranger. Aujourd’hui, 90% de sa production est notamment destinée à l’export avec quatre marchés principaux : les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Japon et la Belgique. L’année prochaine, Paulette planifie d’ores et déjà de louer un nouveau domaine et de doubler ses volumes de production, en passant de 6000 à 12 000 bouteilles. Une très belle progression pour cette jeune vigneronne qui, forte de son succès, nous partage son expérience très positive dans un milieu pourtant traditionnellement masculin :
« J’ai eu une éducation assez féministe avec un papa qui nous a toujours expliqué, à ma sœur et moi, qu’on pouvait faire ce dont on avait envie. J’ai travaillé dans le sud de la France en cave coopérative à 16/17 ans, je me suis fait un peu marcher dessus mais ça m’a permis de faire mes armes. Et je suis tellement passionnée par le travail de la terre que ça se voit et ça se communique. J’ai aussi eu beaucoup de chance, j’ai rencontré des gens très ouverts d’esprit et cultivés qui, étant issus d’un mouvement agricole nouveau (la dite « révolution du Swartland »), m’ont accueillie à bras ouverts, avec énormément de bienveillance. La plupart des gens qui m’ont aidé autour de moi, ce sont des hommes. J’ai aussi rencontré des femmes incroyables dont Andrea Mullineux, l’une des meilleurs œnologues au monde. De plus en plus de femmes sont en train de monter dans le milieu, et c’est vraiment formidable. »
Actualités
Si la crise Covid-19 et le confinement ont fortement touché l’industrie viticole sud-africaine, Paulette a réussi à transformer cette période difficile en opportunité. Profitant de ce temps de pause inattendu dans une vie souvent à mille à l’heure, elle s’est récemment alliée à son amie œnologue de longue date, Hanneke, pour développer un nouveau vin, un Palomino 100% sud-africain appelé "Vino pH". A la différence du Bosberaad à la composition stricte, le Palomino est une variété de raisin très neutre principalement utilisée en Afrique du Sud pour faire du sherry. Son utilisation appelle donc à de nombreuses possibilités d’interprétation, et permet à Paulette d’y exprimer toute sa créativité. Tous les ans, elle souhaite ainsi changer de recette pour montrer aux consommateurs l’effet que peut avoir une différente barrique ou cuve sur le produit final. Un joli projet au futur qui s’annonce radieux !
Comme Paulette a toujours des projets plein la tête, elle ne s’arrête évidemment pas à ses activités de vigneronne. Au-delà de son vin, elle a en effet souhaité partager son amour pour le Swartland aux locaux et aux touristes étrangers. Paulette a ainsi passé son diplôme de guide touristique et a ouvert son agence de voyage “Vinopaulette”, avec laquelle elle organise des vacances sur mesure pour des particuliers, spécialisées dans le vin et la gastronomie. Plus récemment, sa passion pour les huiles essentielles et les produits naturels l’a également conduite à développer un sa gamme de cosmétiques 100% naturels "Paulette Coquette", des produits respectueux de la nature et des femmes. Une chose est sûre : nous n’avons pas fini d’entendre parler d’elle !
Les vins de Paulette sont disponibles au Publik Wine Bar à Gardens, sur le site de Wine Cellar et dans divers restaurants du Cap. N’hésitez pas non plus à consulter sa page Instagram "vino.paulette" pour découvrir toutes ses bonnes adresses sud-africaines et sa gamme de produits de beauté.
Portrait réalisé par Aurélie Chauveau-Caron